La question du franc CFA suscite des passions. Cette monnaie, utilisée par 14 pays africains, cristallise les débats sur la souveraineté économique du continent. Pour les uns, elle garantit la stabilité. Pour les autres, elle perpétue une dépendance postcoloniale. Plongeons dans cette problématique complexe.
1. Aux Origines : Une Création Contestée
Le franc CFA naît en décembre 1945. Le contexte ? La France cherche à protéger ses colonies des conséquences de la dévaluation du franc. René Pleven, alors ministre des Finances, parle de « générosité ». Un discours qui masque mal des intérêts économiques.
En 1958, le système évolue. De Gaulle rebaptise la monnaie : « franc de la Communauté française d’Afrique ». Seule la Guinée de Sékou Touré refuse ce nouvel arrangement. Elle paiera ce choix par un isolement économique.
Le choc vient en 1994. Paris impose une dévaluation de 50%. Les conséquences sont immédiates :
- Effondrement du pouvoir d’achat
- Augmentation brutale des prix
- Perte de confiance dans le système
2. Un Fonctionnement Unique au Monde
Aujourd’hui, le mécanisme repose sur trois piliers :
- Une parité fixe avec l’euro (1€ = 655,957 FCFA)
- La garantie du Trésor français
- Le dépôt de 65% des réserves à Paris
Ce système présente des particularités. D’abord, il aligne les économies africaines sur les politiques européennes. Ensuite, il limite l’accès aux réserves de change. Enfin, il crée une dépendance structurelle.
Certains pays ont choisi de sortir du système :
- Algérie (1964)
- Madagascar (1973)
- Mauritanie (1973)
D’autres, comme la Guinée équatoriale, l’ont rejoint plus tard. Ces allers-retours montrent la complexité du paysage monétaire africain.
3. Avantages et Limites : Un Bilan Mitigé
Le franc CFA offre certains avantages. Tout d’abord, il maintient l’inflation à un niveau bas (environ 3%). Ensuite, il facilite l’accès aux marchés financiers. Par exemple, le Sénégal a pu émettre des obligations à 5% en 2022.
Cependant, les inconvénients sont nombreux. Historiquement, le système a nui à la compétitivité des exportations. Entre 1985 et 1994, l’appréciation du franc français a pénalisé les économies africaines.
Les résultats économiques parlent d’eux-mêmes. La zone UEMOA affiche une croissance moyenne inférieure à 3,5%. C’est moins que des pays non-CFA comme l’Éthiopie ou le Rwanda.
4. Quel Avenir pour le Franc CFA ?
Plusieurs scénarios se dessinent. Le projet de monnaie unique de la CEDEAO, l’Eco, avance lentement. Les divergences entre pays anglophones et francophones ralentissent le processus.
Certains pays explorent des alternatives. Le Mali a tenté une sortie en 2023. D’autres, comme le Nigeria, expérimentent avec les cryptomonnaies.
Un Débat Qui Divise
Le franc CFA se trouve à un carrefour. D’un côté, il offre une certaine stabilité. De l’autre, il limite la marge de manœuvre des États africains. Alors que le continent affiche une croissance prometteuse (4,3% prévus en 2024), la question monétaire devient centrale.
Quel chemin choisir ? La réponse appartient aux Africains. Une chose est sûre : le statu quo ne satisfait plus personne. Le changement semble inévitable. Reste à savoir sous quelle forme il interviendra.