Contrairement à certaines idées véhiculées depuis la période coloniale, l’Afrique dispose d’un modèle d’éducation traditionnel basé sur des valeurs humaines et destiné à préparer les enfants à la vie active en communauté
Avant l’arrivée des colons en Afrique, le modèle d’éducation était différent. Les enfants n’allaient pas dans des établissements scolaires pour obtenir des diplômes. Selon Dr Erisien Fabrice Mba, membre de la communauté Ngui’i Ekang, l’éducation traditionnelle était fondée sur la transmission des valeurs humaines. Parmi elles, le respect, la charité, l’hospitalité, l’amour, etc.
La petite enfance auprès de maman
D’après ce modèle éducatif, l’enfant est rattaché à sa mère jusqu’à l’âge de six ans. Son père n’intervient que très rarement. Il apprend les fondamentaux de la vie sociale : Comment prendre la parole face aux aînés ou à ses futurs amis de la même tranche d’âge, comment se comporter en présence des étrangers ou des autres adultes de la communauté, il apprend sa langue maternelle, etc.
Il apprend par ailleurs qu’il est le fils ou la fille de ses parents, mais demeure l’enfant de la communauté. Tout cet apprentissage lui permet de se forger une personnalité.
La vie au sein de la cellule familiale
Dès l’âge de six ans, l’enfant commence à participer à la vie socioéconomique de la famille et de la communauté, en fonction de ses capacités et de son sexe. Ancré au sein de sa cellule familiale, il va apprendre certaines activités.
Ainsi, la fillette va passer une grande partie de ses journées auprès de sa mère. Elle va l’accompagner au marché, apprendre à allumer du feu, découvrir les saveurs des épices et comment faire les mélanges. Dans certains cas, elle peut aider à bercer son cadet, etc. Pour le petit garçon, il s’agit de faire des commissions telles qu’abreuver les bêtes, accompagner son père au champ, etc. La gamme de tâches va s’élargir au fur et à mesure que l’enfant grandit.
La vie au sein du groupe d’âge
Dans le même ordre, vers l’âge de 7 ou ans, il va intégrer son groupe d’âge au sein duquel il va apprendre la vie en communauté, via des jeux. Ce, pour resserrer les liens de fraternité avec les autres enfants, avec lesquels il cheminera probablement tout au long de sa vie. A travers des contes racontés par les anciens, sages ou gardiens des traditions.
En marge de tout cela, les enfants vont se livrer à des jeux et activités ludiques divers. La fille va reproduire le comportement de sa mère vis-à-vis du bébé sur sa poupée en rafia ou autre matériau local. Elle va également s’essayer à faire de la cuisine dans des feuilles… De son côté, le garçon va découvrir le bricolage (fabrication des objets), la chasse aux oiseaux à l’aide du lance-pierre…
À dix ans, l’enfant contribue à l’économie familiale
Au fur et à mesure qu’ils grandissent, l’enfant va apprendre la vie économique, via des activités qui vont lui permettre de contribuer au développement économique de la famille. Dès l’âge de dix ans, les enfants intègrent progressivement des groupes de leur âge du village. Les filles sont séparées des garçons.
La fille va découvrir qu’elle est différente des garçons. Sous la supervision des adultes, ils vont apprendre les rudiments de certaines activités qui leur permettront d’être autonomes plus tard, sans pour autant perdre l’esprit de la vie communautaire.
Le garçon, pour sa part, va apprendre à labourer, à confectionner des paniers et autres objets artisanaux qui seront soit vendus, soit échangés. Il va également apprendre à pêcher, à tendre des pièges, à cueillir du miel, etc. Pour ce qui est de la fille, elle va commencer à faire des mets traditionnels et autres. Elle apprendra à s’occuper de ses frères et sœurs. Dans le même sens, elle va apprendre à fabriquer des colliers destinés au marché et autres. Ainsi, lorsqu’elle sera mariée, elle pourra s’occuper de sa famille.
L’initiation à la vie active
Au fur et à mesure qu’ils grandissent, les enfants vont passer des tests sur ce qu’ils ont appris. Et les adultes vont renforcer ces connaissances. Dès l’âge de 15 ans, commence l’initiation. Variable en fonction des cultures et des régions, elle désigne le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Selon… les enfants de la société Nawda au Togo devaient par exemple subir des « rites initiatiques » en privé ou collectivement jusqu’à l’âge « mûr » (25 ans – 30 ans).
Dans certaines cultures, les enfants vont passer un test de survie pour les garçons. En groupe de nombre variable et loin de leurs familles, ils vivent dans la forêt et sont entrainés à un certain nombre de choses (tir à l’arc, chasse, pêche à la ligne ou à la nasse, etc.), exercices physiques, etc. La durée de la formation n’est pas la même dans toutes les cultures. De leur côté, les jeunes filles apprennent à tenir un foyer, sous la supervision d’un collège de femmes âgées.
L’initiation s’achève généralement par des cérémonies et des rites initiatiques, confirmation que le jeune peut désormais faire partie de la classe des adultes. Dans certaines contrées, les jeunes doivent quitter la case familiale pour aller construire leurs gîtes.
Ailleurs, cela va plus loin. Le jeune garçon doit par exemple se préparer à prendre pour épouse une jeune femme d’un autre groupe ethnique ou d’un village voisin avec lequel il n’existe pas de lien de parenté.
En effet, jusqu’à la phase d’initiation, il est interdit de se livrer à des rapports sexuels hors mariage. La sexualité était sacrée pour la jeune fille et le jeune garçon. Il fallait donc avoir suivi une éducation pour être un mari et un père, pour les jeunes garçons, et vice-versa pour les jeunes filles.
Par : Joseph Julien Ondoua Owona